*Miabe Togo Actu* : Robert Dussey : « Aux Africains de prendre leur destin en main »
Le négociateur en chef de l’OEACP de l’Accord de partenariat post-Cotonou, le ministre des Affaires étrangères du Togo, Robert Dussey détaille la manière dont les intérêts commerciaux africains seront défendus et représentés auprès de l’UE, ces vingt prochaines années.
Où en est-on de la négociation du nouveau partenariat ACP-UE ?
Une étape difficile s’achève et une nouvelle s’ouvre. Nous sommes parvenus à trouver un accord au bout de deux ans et je vous rassure d’emblée sur le fait qu’il s’agit d’un bon compromis ! Les négociations post-Cotonou avaient commencé en septembre 2018. Alors que l’accord de Cotonou a pris fin en février cette année, nous avions obtenu une prorogation de six mois des discussions. Nous nous sommes entendus sur l’essentiel afin de rassurer les populations des 79 pays ACP et des 27 pays européens. Comme négociateurs, nous sommes optimistes parce que nous pensons que ce nouvel accord défend les intérêts des pays ACP.
Cet accord permettra-t-il enfin à l’Afrique d’entrer dans une ère d’interdépendance avec ses partenaires ?
Les pays africains sont majoritaires dans la partie ACP de l’accord, mais ne sont pas seuls. Trois groupes négocient. Nous défendons pour notre part les intérêts des pays africains au sein du groupe ACP et cet accord va nettement dans leur sens.
Quelle est la vision qui l’emporte, celle plutôt technocratique ou celle tournée vers l’humain ?
Toutes les visions ont été prises en compte dans l’accord qui sera signé dans six à neuf mois. L’accord de Cotonou tenait en un bloc et concernait tous les pays ACP et ceux de l’UE. Aujourd’hui, la spécificité du nouvel accord est d’être un socle commun aux trois entités ACP. Au-delà, il existe un protocole pour chaque groupe qui le représente dans ses particularités. Comme celui de Cotonou, cet accord a une durée de vie de vingt ans. Nous devions être conscients des enjeux, définir nos priorités. Tout au long de ces négociations, nous avons été animés par le nouveau leadership africain, ce nouvel élan et cette ambition du continent africain pour prendre en main son destin. C’est ainsi que nous sommes engagés avec la partie européenne. L’accord porte en son sein des valeurs partagées avec l’UE comme la démocratie, le respect et la promotion des droits de l’homme, le respect de l’environnement. Nous les traduisons dans ce nouveau texte.
Vingt ans, c’est une durée longue. Des correctifs sont-ils prévus afin de s’adapter à l’accélération de l’histoire et de maintenir l’accord à jour ?
Des clauses sont prévues pour une révision tous les cinq ans. Chaque partie peut cependant saisir l’autre – s’il est nécessaire – pour discuter avant la fin de cette période. L’accord de Cotonou a lui-même été révisé plusieurs fois.
Un flou demeure : on estime à 277 milliards d’euros le volet financier de cet accord-cadre. Comment seront-ils répartis et mis en œuvre ?
L’action extérieure de l’UE sera désormais financée par le budget européen à travers l’Instrument de voisinage, de développement et de coopération (NDICI). Le Cadre Financier Pluriannuel (CFP) 2021-2027 de l’UE étant toujours en discussion, le montant réel alloué à chaque région n’est pas encore connu.
Cet accord porte-t-il une ambition partenariale nouvelle ?
Oui ! Nous sommes en 2020 et il était temps de reconnaître, par ces protocoles différenciés, que dans un bloc de 79 pays les problèmes des Africains sont différents de ceux des Caraïbes et du Pacifique. Chaque région a défini ses priorités et ses spécificités et en a discuté avec les partenaires européens.
Mais cette structure en trois pôles ne crée-t-elle pas trop de complexité, au risque de rendre plus difficile la défense des intérêts de l’Afrique ?
Je crois plutôt qu’elle la facilite. On faisait tout auparavant au nom « des ACP », ce qui suffisait à lancer une discussion. À présent que l’accent est mis sur chaque bloc, l’Afrique, par le biais du mécanisme ACP ou de la Commission de l’Union africaine, dispose d’outils pour négocier directement avec l’UE.
Nous connaîtrons ainsi précisément le portefeuille mis à notre disposition. L’accord facilite bien la coopération et les engagements entre chaque groupe et l’UE. Les parties, groupes ou zones peuvent présenter les priorités qui sont l…Lire la suite sur Miabe Togo Actu